A la recherche du temps perdu Tome 1
Du côté de chez Swann
Marcel Proust
Livre de poche, classique, 2008.
Alors que le narrateur a pris désormais l'habitude de s'endormir tard, le livre s'ouvre qur un premier souvenir : "Longtemps, je me suis couché de bonne heure.'" Mais la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil le réveillait bientôt, et tandis qu'il attendait de se rendormir, il passit la plus grande partie de la nuit à se rappeler la vie de son enfance à Combray - une vie dont il va nous offrir le récit.
Dès ce premier volume de la Recherche que Proust fait paraîre en 1913, bien des personnages de son grand roman apparaissent, en particulier Charles Swann : c'est du côté de sa propriété que s'orientent souvent les promenades de Combray, et c'est de son amour pour Odette de Crécy que nous lisons ensuite le récit. Swann, plus tard, donnera au héros le désir d'aller à Balbec, et, au moment de commencer à écrire, le narrateur du Temps retrouvé nous reconduira de son côté encore lorsqu'il confiera : "La matière de mon expérience, laquelle serait la matière de mon livre, me venait de Swann."
En ouvrant ce roman, j'ai eu la peur littéraire la plus forte de ma vie. Je me sentais comme une ridicule goutte d'eau face à un océan énorme. Je n'osais pas l'ouvrir. Je le regardais dans tous les sens, le sentais, le feuilletais. Bref! Je retardais le moment où j'allais le commencer. Puis, je me suis décidée. J'ai lu les premiers mots. Et là ... ce fut le choc! Comment ai-je pu trouver cela incompréhensible et assomant il y a cinq ans? Comment ai-je pu mettre autant de temps avant de me lancer dans La recherche du temps perdu? Je me suis littéralement faite engloutir par ces phrases magnifiques, poétiques, bouleversantes, ... J'ai embarqué comme une amoureuse éperdue dans l'histoire de Marcel, de Combray et de Swann. Et surtout (et comme ça fait du bien), j'ai pris le temps de savourer chaque mot, chaque phrase, de sentir chaque sensation, de m'imprégner de l'amour de la vie et des instants magiques qui se dégage de chaque mot ... Certes, on peut s'essouffler durant certains moments lors de la lecture de ce premier tome, non pas parce que le style devient plus complexe ou autre, mais Proust joue avec les mots d'une façon si impressionnante que parfois on s'épuise un peu. Dans ce cas, il faut accepter de ralentir le rhytme ou de faire une petite pause. Proust s'apprécie. Ces mots sont délicats, poétiques, doux, paisibles, mais pour un lecteur trop impatient, ils peuvent vite devenir durs et complexes. Proust est un concentré de douceur et de poésie, mais uniquement si le lecteur est lui-même dans cet état d'esprit.
La première partie du Côté de chez Swann m'a ravie. Intitulée Combray, on y rencontre le jeune Marcel Proust et ses souvenirs. Pleine de nostalgie, cette partie est calme et apaisante. On se prend à rêver à nos propres souvenirs d'enfance et à entendre la voix de Proust en écho dans notre coeur : "J'appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l'oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance."(p46)
Un amour de Swann compose la seconde partie et raconte la rencontre de Swann, un ami de la famille de Proust, avec une cocotte, Odette de Crécy. Cette histoire se passant avant la naissance du petit Marcel. Là, c'est une véritable galerie d'images et de scènes cultes et inoubliables : la petite phrase de Vinteuil, "faire catleyas", l'attente devant la fenêtre d'Odette durant la nuit, la si croustillante dernière phrase, .... Ce texte qui m'avait tant fait souffrir il y a cinq ans m' est apparu drôle, beau, émouvant, sensible, vif. Un vrai plaisir!
La troisième et dernière partie me faisait peur. Etant intitulée Noms de pays : Le nom, je m'attendais à un passage un peu complexe et sans lien avec l'histoire du roman. En réalité, il s'agit d'une partie très plaisante sur l'amour du jeune Marcel pour Gilberte, la fille de Swann et d'Odette de Crécy. Le texte est très beau et les dernières lignes m'ont presque faites tirer les larmes ...
Vous aurez compris que ma redécouverte de Proust fut un succès. Je ne peux pas nier que Proust ne se lit pas comme n'importe quel roman, mais je me demande encore comment j'ai pu m'en faire tout un monde ... C'est tout simplement beau ... le reste est totalement secondaire! J'ouvrirai A l'ombre des jeunes filles en fleur avec moins de peur.
"L'idée de perfection que je portais en moi, je l'avais prêtée alors à la hauteur d'une victoria, à la maigreur de ces chevaux de Diomède, et que maintenant, pris d'un désir de revoir ce que j'avais aimé, aussi ardent que celui qui me poussait bien des années auparavant dans ces mêmes chemins, je voulais avoir de nouveau sous les yeux au moment où l'énorme cocher de madame Swann, surveillé par un petit groom gros comme le poing et aussi enfantin que saint Georges, essayait de maîtriser leurs ailes d'acier qui se débattaient effarouchées et palpitantes. Hélas! il n'y avait plus que des automobiles conduites par des mécaniciens moustachus qu'accompagnaient de grands valets de pied. "
(Du côté de chez Swann, Proust, livre de poche, 2008, p473)
(Source image : la sonate de kreutzer. Prinet. Wikipedia.org)