vendredi 12 mars 2010

" Quelque amour de l'art qu'on ait, il est des choses qu'on ne peut pas longtemps se contenter de regarder. "

Mademoiselle de Maupin
Théophile Gautier
Défi J'aime les classiques (Mars)

Folio classique, Gallimard, 2004.

A la fin du XVIIème siècle, mademoiselle de Maupin, belle, riche et indépendante, décide de se travestir en homme afin d'espionner le coeur masculin et savoir comment sont considérées les femmes. Elle est tout d'abord consternée, puis se prend au jeu de sa supercherie.
(Couverture de l'édition France Loisirs, collection La petite bibliothèque, 2005).


Je ne connais que très peu Théophile Gautier. Enfin, je devrais plutôt dire pas du tout. Je n'ai lu que Voyage en Espagne de cet auteur pour un cours sur les récits de voyage. C'est donc avec curiosité que j'ai ouvert Mademoiselle de Maupin, texte célèbre grâce à sa mythique préface. J'ai découvert un style frais, extrêmement drôle. J'ai beaucoup ri en lisant ce texte. Les premières pages m'ont ravie. Mêlant instants comiques et instants poétiques, Gautier m'a prise par la main et entraînée dans son monde. J'ai été surprise de trouver dans les premières pages un style épistolaire. Mais en réalité, Gautier mélange plusieurs genres. Ce n'est pas un roman épisolaire à proprement parler. Plusieurs voix nous conte ce récit : D'Albert, jeune romantique en quête de Madame Parfaite qui écrit à son ami Silvio ; Mademoiselle de Maupin (ou Théodore), jeune femme aventurière travestie en homme contant ses péripéties à Graciosa et enfin, Théophile Gautier lui-même.

J'ai trouvé ce texte très libertin et c'est ce qui fait son charme. Mademoiselle de Maupin est d'une très grande sensualité. Gautier parle de sexe et il assume. Des scènes érotiques très belles où les corps sont sublimés. Il arrive à nous faire autant rire qu'à nous laisser bouche bée devant une scène d'une grande poésie.

Certains chapitres sont un peu longs tout de même. Surtout ceux où D'Albert épanche son coeur lourd de réflexions. Ces scènes sont intéressantes, mais tournent parfois un peu en rond. Et puis, D'Albert n'est pas un personnage que j'ai aimé. Autant Madeleine de Maupin m'a envoûée, son côté aventurière, femme moderne et indépendante m'a séduite, autant j'ai trouvé d'Albert futile et égocentrique. Mais il l'avoue lui-même : " Je me soucie assez peu que les paysans sachent lire ou non, et que les hommes mangent du pain ou broutent de l'herbe " (p284).

Il n'y a pas réellement d'intrigue dans ce roman. Le secret de Mademoiselle de Maupin est très vite dévoilé. Mais cela n'empêche pas de dévorer ce texte et de l'aimer.

Un très bon moment de lecture qui me donne vraiment envie de découvrir plus en profondeur Théophile Gautier. Un style prenant et une écriture trépidante.

L'avis de Ys.

" Beaucoup de choses sont ennuyeuses : il est ennuyeux de rendre l’argent qu’on avait emprunté, et qu’on s’était accoutumé à regarder comme à soi ; il est ennuyeux de caresser aujourd’hui la femme qu’on aimait hier ; il est ennuyeux d’aller dans une maison à l’heure du dîner, et de trouver que les maîtres sont partis pour la campagne depuis un mois ; il est ennuyeux de faire un roman, et plus ennuyeux de le lire ; il est ennuyeux d’avoir un bouton sur le nez et les lèvres gercées le jour où l’on va rendre visite à l’idole de son cœur ; il est ennuyeux d’être chaussé de bottes facétieuses, souriant au pavé par toutes leurs coutures, et surtout de loger le vide derrière les toiles d’araignée de son gousset ; il est ennuyeux d’être portier ; il est ennuyeux d’être empereur ; il est ennuyeux d’être soi, et même d’être un autre ; il est ennuyeux d’aller à pied parce que l’on se fait mal à ses cors, à cheval parce que l’on s’écorche l’antithèse du devant, en voiture parce qu’un gros homme se fait immanquablement un oreiller de votre épaule, sur le paquebot parce que l’on a le mal de mer et qu’on se vomit tout entier ; – il est ennuyeux d’être en hiver parce que l’on grelotte, et en été parce qu’on sue ; mais ce qu’il y a de plus ennuyeux sur terre, en enfer et au ciel, c’est assurément une tragédie, à moins que ce ne soit un drame ou une comédie."
(Mademoiselle de Maupin, Gautier, édition France Loisirs, collection La petite bibliothèque, 2005, p255-6).

(Source image : nyu.edu)

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Excellent souvenir de lecture : ça fait un bien fou de revenir à des textes qui manient une si belle langue, il faudrait s'y plonger plus souvent.

Liretirelire a dit…

L'auteur et le thème du roman me tentent beaucoup ! ca donne envie de le lire...

Choupynette a dit…

Frais, léger et drôle. Voilà qui a de quoi me plaire...et cela cadre parfaitement avec un de mes challenges!

Marie L. a dit…

Je ne connais que l'adaptation ciné de ce roman. De l'auteur, je ne connais que ses poèmes ou ses nouvelles fantastiques (que je te recommande!)... A l'occasion, je découvrirai ce roman avec plaisir!