dimanche 28 octobre 2012

" .... tranquille dans son malheur ... "

Stoner
John Williams


France loisirs, 2012.


Né pauvre dans une ferme du Missouri en 1891, le jeune William Stoner est envoyé à l'université par son père – pour y étudier l'agronomie. Délaissant peu à peu ses cours de traitements des sols, ce garçon solitaire découvre les auteurs, la poésie et le monde de l'esprit. Il déçoit les siens, devient professeur, se voue corps et âme à la littérature, sert ses étudiants, assiste impuissant aux ravages causés par une terrible crise économique et deux guerres mondiales, se trompe d'histoire d'amour et finit par renoncer au bonheur. Tout cela l'entame, mais rien ne le diminue : il lit. Voilà le récit d'une vie austère en apparence, ardente en secret.
C'est de l'envie d'Anna Gavalda de partager son coup de cœur pour Stoner, non publié en France, qu'est née dans l'esprit de la romancière cette idée pas si folle : se lancer elle-même dans une libre traduction de l'ouvrage.


C'est malheureusement une montagne de travail qui a ralenti ma lecture de Stoner. Si le boulot n'avait pas été là à me culpabiliser ("Travaille! Travaille, je te dis! Tu vas travailler oui ou non!"), j'aurai sûrement fini ce joli bijou en quelques jours. Enfin libérée de mon tsunami de choses à faire, j'ai dévoré la seconde moitié de ce roman en 2 jours. 
J'ai un joli coup de coeur pour ce roman simple, touchant, profondément humain. William Stoner m'a terriblement émue. Il rentre dans mon panthéon livresque des héros les plus merveilleux ... sans nul doute. Intelligent, charismatique, juste, droit, humble, patient, généreux. Il a tout. J'ai aimé suivre ce personnage, si attachant, dans sa vie à la fois simple et tumultueuse. On pourrait croire que Stoner n'est que le récit d'une vie austère, l'histoire d'un professeur ennuyeux et guindé. Au contraire, c'est un roman où l'on retrouve tout ce qui fait la vie, l'existence. Il y a les questionnements, les remises en question, la mort, la vie de couple, la passion, le rôle de parent, les doutes. Tout ce qui fait la vie d'un homme. Je pense qu'il est impossible de s'ennuyer en lisant Stoner. Edith, Katherine, Grace, Lomax, Gordon, Dave ... Tous ces personnages rendent ce roman vivant, vibrant, passionnant. Mon coeur a souvent saigné, mais il a aimé aussi, il a trouvé la paix, il a souri. Bien que la vie de William Stoner ne soit pas très réjouissante, on ne tombe à aucun moment dans un pathos larmoyant. John Williams nous offre un roman tout en retenue, en délicatesse et en sensibilité. On referme ce roman en se disant que la vie de William Stoner a été bien remplie et belle. J'ai vraiment lu ardemment ce roman et, bien que le personnage principal soit masculin, j'ai vécu certaines scènes comme si je les vivais. 
Et, bien sûr, se rajoute à toutes les qualités de ce sublime roman, ce voyage si envoûtant dans le milieu universitaire. Moi qui suis si nostalgique de mes années de faculté, j'ai retrouvé avec plaisir et émotion, ces débats, ces ambiances de travail et de réflexion, ces cours, ces couloirs pleins d'étudiants .... Cette vie universitaire si riche qui m'est si chère.
Un roman à ouvrir très vite. Un merci à Anna Gavalda ... sans elle, je n'aurai jamais découvert ce roman. Pire ... jamais connu William Stoner. 

" Le passé surgissait des ténèbres où il se tenait embusqué, des êtres revenaient à la vie devant lui, tout ce qui avait vécu se mêlait au présent et les morts côtoyaient les vivants. Ainsi, l'espace d'un instant, il avait l'impression d'être emporté, compacté, dans une sorte de réalité impossible dont il ne pouvait ni ne voulait s'échapper.
Tristan et la douce Iseult marchaient devant lui, Paolo et Francesca, ls amants maudits de La divine comédie, tourbillonnaient dans les feux de l'enfer et les visages déformés par la terreur d'Hélène et du beau Parîs surgissaient de l'ombre. Il se tenait auprès d'eux avec une intimité qu'il aurait été bien incapable de partager avec ses condisciples. Tous ces jeunes gens qui vaquaient avec désinvolture d'une classe à l'autre, qui logeaient sur place, au sein même de cette magnifique université, à Columbia, dans le Missouri et qui s'en allaient pleins d'insouciance dans le grand air du Middle West. "
(Stoner, Williams, France loisirs, 2012, p 26)



(Source image : bibliotheque Lorentz à Nancy. docpatrimoine.agroparistech.fr)

dimanche 21 octobre 2012

L'ascenseur émotionnel

 Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil
Haruki Murakami


10/18, 2012.

Hajime est un homme accompli, père de famille et heureux propriétaire d’un club de jazz de Tokyo. Lorsqu’un beau jour, son amour d’enfance, Shimamoto-san, surgit dans son bar. Les retrouvailles avec cette femme insaisissable, qui n’apparaît que les jours de pluie, plongent Hajime dans l’abîme d’une quête obsédante, contre la course du temps et des sentiments…

Bon ... Par où commencer?
J'entends parler de Murakami depuis très longtemps. Un ami, qui lui voue un culte, me tanne depuis des années pour que j'ouvre un de ses romans et une amie, l'ayant découvert plus récemment, m'a offert Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil pour mon dernier anniversaire. J'avais donc hâte d'ouvrir ce roman et de découvrir la plume de cet auteur.
Murakami ne m'a pas laissée indifférente. D'une certaine façon, il a réussi son pari, car je compte bien renouveler l'expérience. Je repense beaucoup à ce roman depuis que je l'ai refermé. Pourtant, je n'ai pas eu d'illuminations, pas de coups de coeur. J'ai plutôt eu des coups de gueule parfois.
Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil est un roman qui se lit vite. J'ai toujours ouvert ce roman avec curiosité bien que son propos me dérangeait parfois. Toute la première partie m'a complètement déstabilisée. Je n'ai pas vraiment été intéressée par les histoires de "cul" (disons-le) de Hajime. J'ai trouvé le style peu fouillé, manquant de profondeur. J'avais la sensation de lire un listing, un compte-rendu des conquêtes amoureuses du personnage principal. C'est un roman qui se lit vite, qui n'est pas ennuyant, mais jusqu'à la moitié du roman je me suis réellement demandée où Murakami voulait-il m'emmener. J'ai pris cette première partie comme une introduction à l'histoire principale. Introduction bien trop longue à mon goût. Puis mon intérêt s'est enfin réveillé lors du retour de Shimamoto-San dans la vie de Hajime. J'ai enfin réussi à m'intéresser à cette homme, à sa vie, à son histoire. J'ai trouvé leur relation magnifique. Les secrets de Shimamoto-San me fascinaient, je lisais avec avidité et passion. Murakami nous brosse un tableau complexe de deux personnes ancrées dans leurs secrets ou leur routine. Je ne les ai pas toujours compris mais ils m'ont émue. Puis, le roman s'est terminé et là, quelle frustration! Pourtant, j'aime les romans qui ne dévoilent pas tout, qui restent dans le vague, nous laissent imaginer la suite, mais là, j'ai trouvé ça si soudain, je ne m'y attendais tellement pas. Parler de façon crue des joyeusetés sexuelles de Hajime, pour finir avec une fin évasive, toute en retenue et en secret ... Quelle claque! J'ai eu du mal à avaler la pilule. Ce n'est que quelques jours après avoir fermé le roman que j'arrive à digérer cette si soudaine fin, que j'arrive à comprendre le début du roman qui m'avait pourtant tant énervée pendant la lecture. Je pense vraiment que Murakami est un écrivain de talent. Il m'a souvent agacé, choqué, je n'ai pas compris le personnage de Hajime, j'ai refermé le roman frustrée et pleine d'interrogations et pourtant, je crois que ce que j'ai lu est un bon roman. D'être obligé de faire un travail sur soi pour accepter que Murakami ne nous offre pas toute l'histoire, intégrer le caractère spécial de Hajime, etc .... est digne d'un grand écrivain. Murakami joue avec nous, il manipule les mots, son histoire et son lecteur. 
Bref ... Je suis complètement dans le flou. Beaucoup de choses m'ont dérangée durant ma lecture, j'ai été en colère souvent, émue parfois, mais rarement indifférente. Ce n'est que quelques jours après avoir refermé le roman, après avoir digéré certaines choses, que je reconnais le talent de Murakami et les qualités certaines de ce roman. 
Je retenterai sans aucun doute l'expérience. Il faut que je sache si je déteste ou adore ce romancier. 

"En écoutant cette mélodie belle et légère, je me rappelais toujours cette période de ma vie. On ne peut pas dire que j'étais très heureux alors. Pourtant, le souvenir de cette époque m'emplissait de nostalgie. j'étais plus jeune, plus affamé, plus solitaire que maintenant. mais j'étais vraiment moi-même. A cette époque, je ressentais en profondeur chaque note de musique que j'écoutais, chaque ligne des livres que je lisais, comme si elles pénétraient intimement en moi."
(Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil, Murakami, 10/18, 2012)

(Source image : myblogsarah.centerblog.net)

dimanche 14 octobre 2012

« Beauty is truth, truth beauty,-that is all Ye know on earth and all ye need to know »

Poèmes et poésie
John Keats
Challenge Thrusday next

Poésie Gallimard, 2010.

John Keats est un poète romantique anglais né en 1795 et mort en 1821. 

Comme je l'ai souvent dit, je suis une bien mauvaise lectrice de poésie. Malgré mes études de Lettres, je n'arrive pas à lire les poèmes avec un regard littéraire. Je ne sais pas vraiment juger le style ou le talent. Je suis exclusivement sur le ressenti. Je lis de belles phrases qui me bercent ou m'émeuvent, c'est tout ce que je sais. Il n'y a que mes émotions à l'instant où je lis qui comptent, je ne garde rien en mémoire par la suite. 
Ces poèmes et poésie de John Keats m'ont chantée de bien douces mélodies. Romantique exacerbé, le poète écrit des textes passionnés et mélancoliques, tendres à l'oreille, agréables à lire à haute voix. De jolies allégories, des descriptions merveilleuses de paysages envoûtants, ... Du romantisme à l'état pur.
Mon attention parfois s'égare lorsque je lis des poèmes, il m'a donc été difficile de suivre les quelques longues poésies de ce recueil. J'aime les poèmes courts et John Keats nous en offre de bien beaux. 
Ces poésies sont des chansons à lire au milieu de la nature, à murmurer rien que pour nous, à grignoter par ci par là. 

" La poésie de la terre ne meurt jamais : 
Quand tout les oiseaux abattus par la chaleur du soleil 
Se cachent sous la fraîcheur des arbres , une voix courra 
de haie en haie le long des prés nouvellement fauchés ; 
C’est celle de la sauterelle - qui conduit le concert 
Dans la volupté de l’été ; inépuisables 
Sont ses délices ; et , lorsqu’elle est lassée de ses jeux . 
Elle se repose à l’aise , abrité sous quelques roseau hospitalier .
La poésie de la terre ne cesse jamais : 
Par une solitaire soirée hivernale , quand la gelée 
A imposé un silence général , dans l’âtre grince 
Le cri du grillon , donc la chaleur augmente l’acuité ; 
Il semble au dormeur à moitié assoupi .
La voix de la sauterelle parmi les collines herbues ."
 John Keats
(Sur la sauterelle et le grillon In Poèmes et poésies, Poésie Gallimard, 2010, p57)


(Source image : Tirée du film Bright star, 200movies.org)

samedi 13 octobre 2012

" Je voudrais seulement être seule avec le clair de lune ... "

La chaîne d'amour (ou L'amour dans l'âme)
Daphné du Maurier


Livre de poche, 1972.

Ce roman de Daphné du Maurier a été réédité plus récemment chez Phébus sous le bien meilleur titre  de L'amour dans l'âme

Etant enfant, Janet Coombe avait la passion des choses de la mer et regrettait rien tant que de ne pas être née garçon pour pouvoir courir les océans. En grandissant, cette passion lui est restée. Le mariage avec son cousin Thomas, son nouveau rôle d'épouse et de mère vont-ils changer Janet? Ses familiers le croient et se trompent. Sa nostalgie de la vie maritime devient chaque jour plus forte et elle la transmet à son second fils Joseph. Il projette de naiguer avec elle à bord d'un voilier portant son nom et dont la figure de proue est sculptée à son image. 
C'est en Cornouailles, à l'époque où les voiliers étaient encore les rois des mers, que commence cette histoire d'un navire et d'un amour qui défie la mort et le temps. 

Je suis partie sept jours au bord de la mer. Sept jours de vacances où mes choix de lecture, le choix de l'ambiance des romans que j’emmènerai dans mes bagages étaient d'une grande importance. Quel roman allais-je attacher pour toujours à cette mer agitée d'octobre, à ces plages interminables et désertes, à ces rafales de vents intenses? Mon choix s'est arrêté sur La chaîne d'amour. Principalement parce que ce roman a pour personnage principal la mer et parce que Daphné du Maurier est une valeur sûre et que sa plume ne pouvait que me ravir. La chaîne d'amour ne fut pas un bon choix, mais fut un choix parfait, magnifique, sublime. La chaîne d'amour fait désormais parti de ces lectures attachées à un lieu particulier. Anna Karenine sera toujours rattaché à un quai de gare glacial et plein de courant d'air, Madame Bovary aux paysages majestueux des Pyrénées, La terre à la campagne normande, Notre Dame de Paris aux premiers jours de printemps le long d'une rivière, ... Ainsi La chaîne d'amour sera toujours lié à la mer, le vent, le cri des mouettes, ... Cette lecture m'a accompagnée cinq jours. Cinq jours où les 500 pages de ce sublime roman m'ont suivie partout, où des grains de sable s'y sont logés. 
C'est un roman qu'on ne lâche pas une fois ouvert. La chaîne d'amour nous plonge durant 100 ans (de 1830 à 1930) au coeur d'une famille de Cornouailles, les Coombe. A travers quatre générations, Daphné du Maurier nous parle d'amour, de haine, de peur, de rêves, de vie et de mort. Il y a Janet Coombe, Joseph son fils, Christopher son petit-fils et enfin Jennifer, la fille de Christopher, l'arrière petite-fille de Janet. 
Janet Coombe est une femme passionnée. Droite et juste, elle cache un coeur plein de fougue et de rêve. Triste de ne pas être née homme, elle transmettra sa passion de la mer à son second fils Joseph. La présence de Janet plane sur tous les personnages de ce roman.
Joseph Coombe est une sorte Heathcliff. Sanguin, trompe-la-mort, il vit intensément. Il a dans le coeur la passion de sa mère, mais pas sa droiture et sa force mentale, ce qui l’amènera à montrer ses plus sombres côtés. 
Son fils Christopher n'a pas hérité de l'âme passionnée de Janet et Joseph. Il hait la mer, au grand chagrin de son père qui pourtant l'adore. Calme, intelligent, juste, Christopher marque sa différence dans cette famille aux forts caractères (c'est d'ailleurs le seul qui a un prénom commençant pas une autre lettre que le J). Mais tout au fond de lui, bien enfoui, l'héritage des Coombe est peut-être bel et bien présent.
La petite dernière Jennifer Coombe est réservée et secrète tout comme son père, mais elle est passionnée, déterminée, amoureuse de la mer comme son grand-père et son arrière grand-mère. 
La plume simple mais profondément intelligente et délicate de Daphné du Maurier nous plonge dans un récit totalement inoubliable. J'ai fait partie de cette famille. J'ai aimé tous ces personnages, leurs forces et leurs faiblesses. Daphné du Maurier est humaine et parle sans fard de ces personnages qu'elle aime profondément. C'est ce qui fait la force de ce roman. Ces hommes et ces femmes pourraient être nous. Ils ne sont pas parfaits, ni noirs ni blancs, ils commettent des erreurs, font le bien comme le mal. Certaines pages m'ont glacées, je pense notamment à Joseph, d'autres attendries. Du rire aux larmes, de l'espoir à l'horreur, de la peur au réconfort, on pleure, on tremble, on sourit, un roman qui nous fait passer par de nombreuses émotions. Cette chaîne qui relie ces quatre personnages m'a profondément touchée. Le "Janet Coombe", le navire de Joseph, personnage à part entière, a été aussi cher à mon coeur que si j'étais une Coombe. 
La chaîne d'amour est d'une grande poésie. Plyn, petite ville de Cornouailles, au bord des falaises frappées pas les vagues, nous envoûte. La mer qui exerce une telle attraction sur la famille Coombe nous hypnotise aussi, si bien que durant les pages se situant à Londres, notre petit port natal nous manque cruellement. Mais la poésie de Daphné du Maurier n'est pas que dans la description des lieux. Certaines scènes m'ont faite tirer les larmes par leur beauté. Pas de mélodrames, pas d'étalages sentimentales, pas d'émotions exacerbées, mais la poésie des coeurs et des âmes, les sentiments humains et naturels, les joies, les peines .... Je verrai toujours le vieux Joseph Coombe pleurer sur la colline comme un enfant.
La chaîne d'amour est un énorme coup de coeur que j'ai eu bien du mal à lâcher. Un roman passionnant et passionné, profondément humain, que l'on vit plus qu'on ne lit. Des personnages vivants, palpables. Un univers fascinant, envoûtant. Plusieurs jours après l'avoir fermé, Janet, Joseph, Christopher et Jennifer sont toujours avec moi. 
A lire ABSOLUMENT. 
Et si, comme moi, vous avez la chance de parcourir les pages de ce roman face à une mer agitée, c'est encore meilleur. Mais qu'importe l'endroit, la magie opérera!

" L'appel de la mer bouleversa Joseph une fois de plus. Il éprouva le besoin de toucher l'eau avec ses mains et de se laisser porter par les vagues jusqu'à quelque lontaine région où le vent et la houle mêleraient perpétuellement leurs plaintes. Il eut envie de sentir le goût du sel sur ses lèvres, d'entendre le chant de la mer, et souhaita suivre cette traînée de soleil jusqu'à son navire. Quelque part sur l'Océan, au delà des côtes, au-delà de la ligne où le ciel et la mer se rejoignent, la Janet Coombe traçait son chemin, face au ciel. Seule, fière et libre au milieu du silence de l'océan, elle devait courir sur les vagues, roulant et tanguant, ses deux mâts dressés vers les étoiles. "
(La chaîne d'amour, Livre de poche, 1972, page 281)

(Source image : Yveline Formagne)

vendredi 5 octobre 2012

Nelly Olson a de quoi s'inquiéter ...

Paola 
Vita Sackville-West

 Livre de poche, 2011.

Paola, issue du remariage du défunt Noble Godavary avec une étrangère, fait-elle vraiment partie de la famille ? Même si les Godavary ne forment pas une famille très unie. C’est plutôt une sorte de lâcheté sournoise qui les rassemble… Dans ce roman, inédit en français, toute l’élégance de V. Sackville-West.

Vita Sackville-West me faisait les yeux doux depuis déjà plusieurs mois, je me suis décidée à ouvrir un de ses romans récemment. 
Dame Vita était une proche de Virginia Woolf ce qui m'a attirée autant qu'inquiétée. J'aime de plus en plus Virginia Woolf et je m'intéresse à tout ce qui la touche, mais je sais aussi que ce n'est pas une plume très évidente. J'avais donc peur en me lançant dans un Vita Sackville-West de me retrouver dans la situation de Mrs Dalloway, une magnifique lecture certes mais parfois ardue. Je me suis donc attaquée à un court roman de Vita Sackville-West, histoire de commencer en douceur. Mes craintes ont été vaines, car Paola est un roman très facile d'accès et prenant. Sans retrouver la délicatesse et la subtilité de Virginia Woolf, j'ai trouvé la plume de Vita Sackville-West extrêmement intelligente et fine.
Ce court roman nous plonge durant trois jours dans la vie de Gervase Godavary au moment de la mort de son oncle et de l'ouverture de son testament. Ce huis-clos familial est très agréable à lire et très bien ficelé. J'ai trouvé qu'il avait un je-ne-sais-quoi de scénario de vieux film des années 30. L'ambiance gothique du château et les relations tendues des personnages rendent ce roman étouffant et feraient un film noir superbes.  
Paola est un personnage charismatique, mystérieux et complexe. Elle est si bien décrite que l'on peut la voir bouger, parler, nous regarder de toute sa grandeur hautaine. 
Je pense que Paola est une bonne entrée dans l'oeuvre de Vita Sackville-West, c'est intelligent, profond, passionnant et élégant. 
A lire ...
Je pense m'offrir rapidement Toute passion abolie, Plus jamais d'invités! et Haute société

Soudain une jeune femme apparut en haut des marches, adossée à la fenêtre, avec la pluie qui frappait violemment les vitres et, à l'arrière-plan, les sommets embrumés. Aucun doute, c'était Paola, la star des bals du Westmorland. Bien qu'elle fût en contre-jour, elle me fit d'entrée beaucoup d'effet : elle était brune, svelte avec pourtant quelques rondeurs, l'allure souple, élancée et féline des Italiennes. [...] Comment la qualifier ? Elle avait du style. Du chic."
(Paola, Vita Sackville-West, Livre de poche, 2011)


(Source image : lupe-velez)