vendredi 29 avril 2016

" Laisse à Dieu le soin de punir. Toi, tu pardonneras. "

La lettre écarlate
Nathaniel Hawthorne



Livre de poche, 2015.

Boston, 1642. Hester, dont le mari est porté disparu, est mise au pilori car elle a commis l’adultère. Condamnée par la colonie puritaine à porter jusqu’à la fin de sa vie sur la poitrine un A écarlate, elle part vivre à la périphérie de la ville, seule avec sa fille, car elle a refusé de livrer le nom de son amant... Considéré comme le premier grand roman du continent américain, cet ouvrage connut à sa publication en 1850 un immense succès, mais par sa peinture d’une société intégriste et d’une femme éprise de liberté, il n’a rien perdu aujourd’hui de sa force et de son attrait.


Il est assez difficile de vous parler de ce roman que j'ai adoré. J'ai été charmée par ce texte d'une grande finesse. 
Ceux qui s'attendent à un roman fougueux aux nombreux rebondissements peuvent passer leur chemin. La lettre écarlate est fait de silences, de non-dits, de secrets. L'action est secondaire. Il nous offre une analyse pointue de la psychologie humaine. Hester, son mari et son amant forment un trio complexe et passionnant. Sans oublier l'étrange Pearl, l'enfant née du péché. Sûrement le personnage le plus énigmatique du roman. Nous rentrons dans l'esprit des trois personnages principaux. J'ai énormément aimé Hester, cette femme engagée, qui s'incline devant les conventions pour ensuite mieux les braver. Dans l'ombre, il y a Roger Chillingworth, être vicieux et blessé. Arthur Dimmesdale, quant à lui est un bon pasteur, torturé, incapable de vivre avec sa conscience tachée. 
Les descriptions de Hawthorne sont époustouflantes de maîtrise. Il peint un magnifique tableau de la société puritaine américaine. Derrière ce village de Boston plein de vertu et de bonne conscience, se dresse Hester, Roger et Arthur. Des scènes sublimes, d'une grande beauté se succèdent. Parfois un personnage seul, un tête-à-tête, une lutte, une communion, un doute, un espoir
La lettre écarlate est écrit d'une main de maître. La langue y est érudite, soutenue, d'une grande beauté
J'aimerai en dire beaucoup, mais je ne peux en dire plus.
Un grand roman de la littérature américaine à lire absolument. Un texte qui se savoure. 

" Hester dit à Pearl d'aller courir au bord de l'eau et de jouer avec les coquillages et l'enchevêtrement des algues, le temps pour elle de parler un peu avec cet amateur de plantes. L'enfant ne se fit pas prier. Elle vola comme un oiseau et, dénudant ses petits pieds blancs, se mit à piétiner l'humidité le long du rivage. De temps à autre, elle s'arrêtait pour examiner avec curiosité une flaque laissée par la marée descendante afin de permettre à Pearl de s'y voir comme dans un miroir. De ces flaques surgit, avec des boucles sombres et brillantes pour encadrer son visage et le sourire d'un elfe dans son regard, l'image d'une petite fille qui la dévisageait furtivement. Pearl, n'ayant pas d'autre compagne de jeux, l'invita à lui prendre la main pour courir avec elle. Mais la petite fille de la vision, de son côté, ne manqua pas de lui faire aussi un signe, comme pour lui dire "On est mieux ici. Viens dans la flaque." Pearl y entra, enfonçant jusqu'aux genoux, pour apercevoir au fond ses pieds blancs, tandis que, plus profondément encore, se dessinait le reflet d'une sorte de sourire fragmentaire, flottant de place en place dans le remuement de l'eau. "
(La lettre écarlate, N. Hawthorne, Livre de poche, 2015, p229/230) 

mardi 26 avril 2016

samedi 9 avril 2016

" L'histoire d'une luciole tombée dans l'eau sucrée. "

Hotaru
Le poids des secrets Tome 5
Aki Shimazaki

 Babel, 2009.

A la saison des lucioles (hotaru), lorsqu'elle rend visite à sa grand-mère Mariko Takahashi, Tsubaki est loin de se douter que celle-ci lui confiera bientôt le secret qui ronge sa vie depuis cinquante ans, incapable qu'elle fut de le révéler à son mari. Etudiante en archéologie, Tsubaki apprend à travers cette confession les lois cruelles de la vie : l'innocence et la naïveté des jeunes filles sont souvent abusées par les hommes de pouvoir et d'expérience, et leur destinée s'en trouve à jamais bouleversée.

C'est au rythme de la danse douce et lumineuse des lucioles que se termine Le poids des secrets. Avec toujours beaucoup de retenue et de simplicité, Aki Shimazaki conclut son histoire. En fermant ce dernier tome, certaines choses ne sont toujours pas dites. Elles resteront enfouies entre les pages. Dans Hotaru, Mariko, au seuil de la mort, parle à Tsubaki, sa petite fille. Nous revenons une nouvelle fois depuis le début sur cette histoire tragique. Cette fois, Mariko ose parler de ses sentiments. Elle écrit sur sa relation avec Monsieur Horibe. Cet homme qui apparaissait avec classe et élégance dans les premières pages de la pentalogie montre ici son vrai visage. Derrière ses sourires, sa culture, sa politesse se cache un homme profondément égoïste, ne cherchant que sa jouissance et son bonheur. Mariko subira son despotisme jusqu'au jour où, près d'une rivière, elle entendra deux enfants parler de "lucioles tombée dans l'eau sucrée". Elle décidera de prendre son avenir en main. Quelqu'un d'autre s'en chargera finalement pour elle.
Le poids des secrets est une saga familiale très belle et atypique. Nous ne sommes pas plongés durant des pages entières au sein d'une famille au point d'être littéralement absorbés dans un autre univers. Ce n'est pas une lecture immersion. Le nombre de page réduit (110 pages environ pour chaque volume), l'écriture d'une simplicité presque enfantine et la réserve permanente des personnages rend cette série particulière et unique. On ne rentre pas dans le monde d'Aki Shimazaki, mais on l'écoute.
Le poids des secrets est une lecture intime, intérieure. J'ai été parfois décontenancée par l'écriture, mais l'émotion prend toujours le dessus. Une histoire émouvante, de belles images, des scènes pures et délicates, une série à découvrir
" J'ai appris quelque part, dans un livre scientifique, qu'il y a des lucioles qui clignotent à l'unisson, et même à un certain rythme. C'est comme un orchestre sans chef. Cette synchronisation était un mystère jusqu'à récemment, les gens pensaient qu'elle se produisait accidentellement. En fait, d'après le livre, le mécanisme de ce phénomène est simple : chaque insecte comporte un oscillateur, comme un métronome, dont le minutage s'ajuste automatiquement en réponse aux flashes des autres.Je crois qu'il n'y a peut-être pas de coïncidences dans ce monde. Il doit y avoir un rapport entre les phénomènes qui arrivent en même temps"(Hotaru, Aki Shimazaki, Babel, 2009, p 127)
(Source image : svtcolin)

Ne m'oublie pas!

Wasurenagusa
Le poids des secrets Tome 4
Aki Shimazaki

 Babel, 2008.

Après un premier mariage raté, Kenji Takahashi découvre qu'il est stérile. Accablé, il quitte la maison familale. Seule compte encore pour lui sa nurse, Sono. Lorsqu'il fait la connaissance de Mariko, qui vit seule avec son fils Yukio, il en tombe amoureux et l'épouse contre l'avis de ses parents, qui le déshéritent. 
Quarante-six ans plus tard, retraité et affaibli, il recherche les traces de Sono. Au moment o il retrouve sa tombe, sur laquelle est inscrit le nom de la fleur de myosotis (wasurenagusa), il découvre le secret de ses origines et le malheur qui a frappé ses parents. 

L'homme de l'ombre, le personnage oublié, décide dans ce tome de nous parler. Kenji Takahashi, l'époux trompé et exilé du premier tome, se révèle un être généreux, fort et passionné. Doué d'une grande sensibilité, amoureux de la nature, il tente de s'affranchir de ses parents, trop présents et étouffants. Alors qu'il rêve de simplicité et de joies simples, il est ramené sans cesse vers ses devoirs : faire un héritier et assurer la grande lignée des Takahashi. Un jour, attiré inconsciemment vers un orphelinat, il rencontre Mariko. C'est grâce à elle qu'il trouvera la force de s'émanciper et de quitter ses parents. J'ai aimé l'histoire entre Mariko et Kenji. J'aime sa complexité, le fait que leur amour ne soit pas évident, mais qu'il repose d'abord sur de l'estime, de la compréhension. Si c'est le coup de foudre pour Kenji, Mariko l'épouse pour assurer un avenir à son fils. Pourtant, l'amour viendra. C'est Kenji, cet homme doux qui la protégera, l'aimera fidèlement et deviendra un vrai père pour Yukio. 
J'ai aimé avoir un quatrième point de vue de l'histoire, entendre quatre fois le même récit, mais différemment et avec d'autres émotions. Même si la trame reste la même, chaque tome nous conte une enfance particulière, bouleversée par l'Histoire, malmenée par la vie, mais qui toujours trouve une lueur, une joie, une main tendue. 
" Il pleut tous les jours. C'est la saison des pluies. Je vais au laboratoire à pied. En marchant, je vois partout des hortensias en fleurs. Je m'arrête et les regarde émerveillé par la beauté de toutes ces couleurs vives. Lorsque je trouve un escargot entre des feuilles, je me souviens de mon enfance passée avec Sono. Je lui rendais visite après l'école. Dans son petit jardin, je cherchais des escargots et les mettais dans une bouteille avec des feuilles mouillées. Je me plaisais à observer ces petites bêtes. Je me demande "où est Sono maintenant?". "
(Wasurenagusa, Aki Shimazaki, Babel, 2008, p 61)
(Source image : langage-fleurs.com)

" Rien n'est plus précieux que la liberté "

Tsubame
Le poids des secrets Tome 3
Aki Shimazaki

Babel, 2008.

Lors du tremblement de terre de 1923, les japonais profitent de la confusion pour exterminer les ressortissants coréens. Enfant illégitime, Yonhi n'a que douze ans à cette époque et se voit confiée à un prêtre, à l'abri de la tourmente. Sa mère ne reviendra jamais, pas plus que son oncle, et la petite devra désormais porter un nom japonais, Mariko. Coupée de son histoire familiale, l'ayant toute sa vie cachée à son propre fils, à ses petits-enfants et même à son défunt mari, elle en élucide un élément fondamental, l'identité de son père, en rencontrant une dame qui traduit pour elle le journal laissé par sa mère. 

Nouveau tome, nouveau narrateur. Cette fois-ci, c'est Mariko qui prend la parole. Il s'agit du personnage qui me touche le plus. Mariko est un personnage très beau, tragique et humble. Malmenée par l'Histoire, les catastrophes naturelles, la ségrégation, la passion des hommes, elle tente de trouver le bonheur et la paix. C'est une nouvelle fois, un beau texte que nous offre Aki Shimazaki. Le ton minimaliste me berce désormais et ne me dérange plus du tout. Le poids des secrets est une histoire de famille qui nous est confiée tel un murmure. Le narrateur de chaque tome vient nous conter sa vie au creux de l'oreille. Yukio, Yukiko, Mariko. Nous les écoutons avec respect sans chercher de vérités, d'erreurs ou de regrets
Chaque tome nous livre une parcelle de vie, des émotions, des sensations, sans jamais analyser ou commenter. Les choses sont ainsi. Elles ont été dites ou tues, mais elles demeurent comme elles étaient, comme elles seront toujours. On pourrait penser qu'Aki Shimazaki a une vision très fataliste, très pessimiste de la vie. Pourtant, il n'en est rien. Derrière les catastrophes, la guerre, la faim, la haine se cachent toujours de l'amour et de l'espoir. Un camélia (Tsubaki) en fleurs, un coquillage (Hamaguri) cachant un doux secret ou une hirondelle (Tsubame) porteuse de lumière et de joie. 
" Je pense au journal de ma mère. J'entre dans la maison le chercher et l'apporte devant le feu. Je caresse la couverture jaunie et le met sur les branches à moitié allumées. Les coins du cahier prennent feu en se retournant. Les papiers noircis s'élèvent et se balancent dans l'air. J'entends ma mère dire : "Rien n'est plus précieux que la liberté." Mes larmes tombent. Je me dis : "Adieu, maman !" Au même moment, Tsubaki crie :- Regarde ! Tsu-ba-me !Elle désigne le toit. Là, je vois une hirondelle sur le bord du nid sec. "
(Tsubame, Aki Shimazaki, Babel, 2008, p113) 
(Source image : charlottepeint.canalblog.com)

lundi 4 avril 2016

Caché dans un coquillage

Hamaguri
Le poids des secrets Tome 2
Aki Shimazaki


Babel, 2007

De naissance illégitime, Yukio est un enfant puis un adolescent solitaire. A Nagazaki, il partage sa vie avec sa mère et le mari de celle-ci. Pendant la guerre, il trouve un peu de quiétude dans la forêt de bambous avec sa seule amie, sa voisine Yukiko, dont il est devenu amoureux et à qui il confie son désir de revoir sa demi-sœur. Ce n'est que des années après avoir perdu la trace de ce premier amour et sans jamais avoir retrouvé sa sœur qu'il pourra enfin attacher les fils du souvenir à ceux de la vérité.

Hamaguri reprend l'histoire racontée par Yukiko dans le tome 1, mais du point de vue de Yukio. Cet homme secret et introverti nous livre avec beaucoup de pudeur ses souvenirs
J'ai parfois encore été un peu surprise par le style simple d'Aki Shimazaki, de ces nombreuses ellipses, de son extrême retenue. Cependant, avec ce second tome, je suis pleinement plongée dans l'histoire. Avec Tsubaki, je n'avais pas encore remarquée quelle grande conteuse Aki Shimazaki était. Je comprends avec Hamaguri (et la quatrième de couverture du tome 3 qui m'attend pour ce soir) comment elle réussit à construire une histoire de famille de façon différente. Les voix se croisent, se confessent, se répondent. Le temps est gommé, les fils se dénouent pour nous donner la vérité au fur et a mesure des tomes. 
Le poids des secrets n'est pas une saga familiale pleine de drames, de larmes et de cris. Avec silence et pudeur, Aki Shimazaki raconte l'histoire d'une famille pleine de secrets et de non-dits qui semble accepter les événements comme ils viennent
J'avais apprécié le personnage de Mariko, la mère de Yukio, dans le tome 1. Elle m'a de nouveau beaucoup émue. Cette femme qui lutte pour son bonheur, accablée par les hommes et la morale, est très touchante. Je suis heureuse de lire que le tome 3 se consacre à elle, son enfance, ses espoirs. 
" La semaine passée, j'ai parlé avec Yukiko pour la première fois. Elle est venue dans le bois de bambous quand je lisais un livre, assis sur une pierre. En dépit de ma première impression négative, elle parle franchement avec moi.Maintenant, je partage avec elle l'endroit où je passais du temps tout seul. Les gens ne s'aventurent que rarement ici. On n'entend rien, sauf le bruissement des feuilles de bambou. Le ciel est couvert de feuilles et la lumière du soleil apparaît et disparaît avec le vent. Il y a des tsubaki qui fleurissent en hiver. Yukiko dit que les tsubaki sont ses fleurs préférées. Nous parlons en marchant, nous lisons des livres, assis l'un à côté de l'autre sur une pierre. "(Hamaguri, Aki Shimazaki, Babel, 2007, p57)
(Source image : fr.dreamstime.com)

dimanche 3 avril 2016

De fleurs et de secrets

Tsubaki
Le poids des secrets Tome 1
Aki Shimazaki

Babel, 2005.

Dans une lettre laissée à sa fille après sa mort, Yukiko raconte le quotidien d’une adolescente pendant la Seconde Guerre mondiale, son déménagement à Nagasaki avec ses parents, le travail à l’usine, les amitiés et les amours naissantes avec son voisin. En révélant peu à peu une trame familiale nouée par les mensonges de son père, elle confesse les motifs qui l’ont poussée à commettre un meurtre, quelques heures avant que la bombe atomique tombe sur sa ville.D'abord surprise par une écriture extrêmement simple et brute, je me suis laissée aller dans ce récit d'une grande humanité

Le poids des secrets est une série de 5 tomes que je désirai lire depuis longtemps. J'étais attirée par ses titres mystérieux et ses couvertures envoûtantes. 
Tsubaki (camélia en japonais)  est un roman qui va à l'essentiel. Avec pudeur et une certaine distance, Aki Shimazaki nous raconte l'histoire de Yukiko. A sa mort, elle laisse une lettre pour sa fille Namiko. Dans cet écrit, Yukiko se confesse. Jamais l'auteur ne tombe dans le patos. Yukiko évoque son passé avec beaucoup de retenue, de détachement. Il est difficile de s'attacher aux personnage de ce texte tant ils ne se livrent pas. Pourtant, chaque ligne est d'une grande sensibilité. Aki Shimazaki arrive avec des phrases épurées et un rythme saccadé a nous emmener dans son monde. Yukiko n'analyse ni ses sentiments, ni ses gestes. Aki Shimazaki nous laisse choisir nos émotions, ne nous impose rien. Mais soudain au détour d'une page, il y a une image d'une grande poésie qui reflète tout ce qui est dit, tout ce qui est tu.
" Le rouge des camélias est aussi vif que le vert des feuilles. Les fleurs tombent à la fin de la saison, une à une, sans perdre leur forme : corolle, étamines et pistil restent toujours ensemble. Ma mère ramassait les fleurs par terre, encore fraîches, et les jetait dans le bassin. Les fleurs rouges au cœur jaune flottaient sur l'eau pendant quelques jours. "

(Tsubaki, Aki Shimazaki, Babel, 2015, p7)
 (Source image : Camelia de S.H.T Koitsu)

samedi 2 avril 2016

" Quand je n'avais nulle part où aller, je revenais ici. "

Retour à Little Wing
Nickolas Butler

Points, 2015.

Ils étaient quatre inséparables. Hank, Kip, Ronny et Lee. Les rois de la petite ville de Little Wing. À l’âge adulte, leurs chemins ont divergé. Certains sont restés et voudraient fuir. D’autres sont partis loin et ne pensent qu’à revenir. Tous sont en quête de quelque chose, du bonheur peut-être. Quoi qu’il arrive, Little Wing est leur port d’attache. C’est chez eux. Toujours, ils s'y retournent.
" Pour moi, c'est ça, l'Amérique : des pauvres gens qui jouent de la musique, partagent un repas et dansent, alors que leur vie entière a sombré dans le désespoir et dans une détresse telle qu'on ne penserait jamais qu'elle tolère la musique, la nourriture ou l'énergie de danser. On peut bien dire que je me trompe, que nous sommes un peuple puritain, évangélique et égoïste, mais je n'y crois pas. Je refuse d'y croire. " (p304)
Nickolas Butler aime son pays et chaque page de ce roman nous le fait sentir. Retour à Little Wing est un hymne à cette terre pleine d'excès. Lire ce texte, c'est vivre 400 pages au rythme des rudes saisons de Little Wing, boire des bières entre amis en haut d'un silo à grains, encourager un être cher lors d'un concours de rodéo et écouter du rock. C'est un vrai plongeon dans l'Amérique profonde
Little Wing est un bled un peu pommé où tout le monde se connaît. Une ville que nos héros aiment ... et détestent parfois. Un fil invisible les relie à cette bourgade et ils y reviennent toujours. 
Retour à Little Wing est le roman de la nostalgie, parfois même de la mélancolie. Tout comme Lee évoquant ses souvenirs, on ressent tout le long du roman un mélange de joie, d'amour des instants simples de la vie, mais aussi une pointe au cœur, la tristesse du temps qui passe, des jours oubliés :
" Le mot mélancolie a une résonance dramatique, mais il arrive que ce soit le terme approprié. Lorsqu'on se sent à la fois un peu heureux et un peu triste, ce genre d'émotion que la plupart d'entre nous ressentent à la cérémonie de fin d'études du lycée, j'imagine, ou en regardant leurs enfants monter dans le car de ramassage scolaire pour la première fois. " (p342)
Impossible de ne pas avouer que ce roman contient un grand nombre de clichés. Que ce soit dans l'atmosphère, l'intrigue, les personnages ou même l'écriture, Nickolas Butler nous offre un roman très stéréotypé. Cependant, cet aspect là n'enlève rien à son charme. Nous nous sommes bien dans cet univers de bières, de country, de santiags, de vaches à traire, de taureau à dominer et de ferme à entretenir. 
J'ai aimé passer plusieurs jours près de Hank, Lee, Kip, Ronny et Beth. Leur amour est émouvant. On deviendrait presque envieux de leur lien, leurs souvenirs, leur respect les uns envers les autres. Tout comme Les filles de Hallows farm ou Ça, le lecteur fait parti de ce cercle d'amis. Il fait parti de la bande. Quand arrive la fin du roman, on salue d'un signe de main, le cœur mélancolique, cette bande d'amis observant le lever du jour en haut d'un silo à grains. 
" Quand je n’avais nulle part d’autre où aller, je revenais ici. Quand je n’avais rien, je revenais ici. Je revenais ici et je créais quelque chose à partir de rien. Je pouvais vivre pour trois fois rien ; il n’y avait rien où dépenser de l’argent, personne à impressionner. Les gens d’ici s’intéressent uniquement à ta conscience professionnelle, ton amabilité et tes compétences. J’étais revenu ici et j’y avais trouvé ma voix, comme un truc qui serait tombé de ma poche, comme un souvenir depuis longtemps oublié. Et chaque fois que je revenais, j’étais entouré de gens qui m’aimaient, qui tenaient à moi, qui me protégeaient sous une espèce de cloche de tendresse. C’est ici que j’entends tout : le monde qui palpite différemment, le silence qui raisonne comme un accord joué il y a une éternité, la musique dans les trembles, les sapins, les chênes et même les champs de maïs desséchés. " 
(Retour à Little Wing, . Butler, Points, 2015, p67).


(Source image : fond-ecran-image.com)