vendredi 3 février 2017

Des puissants


Les Buddenbrook
Thomas Mann

Le livre de poche, 2015.

Trente ans après sa parution, Les Buddenbrook figure au nombre des livres brûlés dans les autodafés. Les chemises brunes hurlent sous les fenêtres de Thomas Mann qu'une " famille allemande, une famille de la race élue ne peut jamais déchoir ". [...] Les Buddenbrook est le roman du déclin, le livre de l'essoufflement. Thomas Mann traque dans cette dynastie marchande les prodromes du désastre. L'observation de soi-même est le premier pas vers le déclin. Car s'observer, c'est s'empêcher d'agir, s'empêcher de vivre.

Ma vie, si particulière en ce moment, a fait que j'ai mis plusieurs mois à lire ce roman. Il sera sûrement, de plus, le dernier que je lirai dans les prochains mois. Je pourrai de nouveau grappiller des pages rien que pour le plaisir en mai ... peut-être! C'est la première fois, de toute ma vie de lectrice, que je vis ça. C'est dur, mais c'est ainsi ...

Les Buddenbrook est un roman passionnant que j'aurai aimé lire d'une traite. Thomas Mann possède une écriture d'une très grande finesse. Il peint ses personnages avec une telle précision que les scènes de son roman prennent vie devant nous. 
Je ne me suis pas attachée aux personnages. Je les ai trouvés assez antipathiques et égoïstes, pourtant cela ne m'a pas empêché de me plonger dans l'histoire. Mann ne cherche pas à ce que le lecteur aime ses personnages. Il raconte le déclin d'une famille sans chercher à émouvoir. Il raconte des faits. Le recul de Mann et son écriture parfois détachée peuvent surprendre. En ce qui me concerne, j'ai aimé le côté brut de sa plume, dénuée de tout pathos. Mann est précis et juste, ce qui rend son roman grandiose. Parfois, au détour d'une page, on trouve une scène sublime, poétique, merveilleuse ... et on oublie la froideur des pages précédentes. Une scène sublime glissée entre deux scènes distantes n'en est que plus émouvante et inoubliable. 
Les Buddenbrook est un roman qui se relit pour en dévoiler toutes les finesses. Il y a tant à dire que je me perds. Chaque personnage nécessiterait des pages d'analyse. Thomas Mann nous offre un magnifique travail psychologique, social, humain. De la grande littérature.
Un roman à lire absolument.
" [...] te rappelles-tu, tu m'as dit :"Il me semble qu'une ère toute nouvelle va s'ouvrir!" C'est comme si je t'entendais encore, et les événements ont paru te donner raison, car aux élections au Sénat la fortune m'a souri, et, ici, la maison s'élevait à vue d’œil. Mais la dignité de sénateur et la maison ne sont qu'apparences, et je sais,moi, une chose à laquelle tu n'as pas encore songé; je la tiens de la vie et de l'histoire. Je sais que, souvent, au moment même où éclatent les signes extérieurs, visibles et tangibles, les symptômes de bonheur et de l'essor, tout déjà s'achemine en réalité vers le déclin. L'apparition de ces signes extérieurs demande du temps, comme la clarté d'une de ces étoiles dont ne nous savons pas si elle n'est pas déjà sur le point de s'éteindre, si elle n'est pas déjà éteinte, alors qu'elle rayonne avec le plus de splendeur...." 
(Romanza2017)